Le Commandant Bart De Clerck mène des recherches à l’ERM (Ecole Royale Militaire) dans le cadre de la détection de la désinformation au profit du SGRS et du Cyber Command. Il nous explique la nature de son travail et le rôle grandissant de l’intelligence artificielle dans ce domaine complexe.
La désinformation est devenue une préoccupation majeure de nos démocraties. Elle peut prendre plusieurs formes comme la manipulation d’un fait d’actualité ou la création d’une « fake news » en relation avec des thématiques clivantes comme l’éducation sexuelle des jeunes (EVRAS) ou encore la santé (COVID). Mais dans tous les cas elle vise à saper la confiance dans nos institutions ou nos gouvernements et à opposer les communautés entre elles.
Surveillance quotidienne
Le SGRS et le Cyber Command sont bien conscients des enjeux liés à la désinformation depuis de nombreuses années. Tous les jours ses spécialistes surveillent la désinformation d’origine étrangère qui peut produire des effets en Belgique. Ils ne le font pas seuls, ils travaillent en étroite collaboration avec de nombreux partenaires comme le centre de crise, la Sûreté de l’Etat, le CCB (centre de cybersécurité Belgique) ou le SPF Intérieur pour ne citer qu’eux. Depuis 2019, une attention particulière est portée sur les possibles interférences de la désinformation dans le processus électoral dans notre pays.
Technologie de pointe
Dans cette guerre de l’information en perpétuelle évolution les projets innovants en recherche et développement sont essentiels afin d’atteindre deux objectifs : maintenir un niveau d’expertise optimal et développer les capacités qui permettent de traiter une masse de données et d’informations considérables.
C’est dans ce sens qu’en juin de l’année passée, un protocole d’accord a été signé entre l’ERM et le Cyber Command concernant une série de nouveaux projets qui font appel à de la technologie de pointe comme la physique quantique ou l’intelligence artificielle. Celle-ci permet la détection automatisée dans différents domaines comme les vulnérabilités, les malwares ou encore la désinformation.
Détection
Le commandant Bart De Clerck travaille au département mathématique de l’ERM depuis 2016. Il est assistant et effectue des travaux de recherche dans le cadre de la détection de la désinformation. Il vient de défendre avec succès une thèse de doctorat portant sur le sujet.
Elle vise à matérialiser sous forme de graphe les «entités » présentes sur les réseaux sociaux qui ont des interactions atypiques entre elles, comme des partages ou des commentaires. Ces entités peuvent être de différente nature : personne ou groupe de personnes, contenus, etc. Une forte augmentation de ces interactions peut, en combinaison avec d’autres paramètres, être liée à une tentative de désinformation organisée.
« Ces recherches permettent de fournir des outils d’analyse supplémentaires aux experts du Cyber Command » explique le commandant De Clerck. « Même s’il s’agit d’un travail académique, la prochaine étape sera de le rendre opérationnel ce qui suppose entre autres un transfert de compétences et de formations communes entre les académiques et les analystes. Pour l’instant le prototype du logiciel est en phase de test afin d’évaluer ce que l’on peut améliorer. »
Si l’intelligence artificielle peut automatiser la détection de la désinformation, elle n’est évidemment pas uniquement utilisée à bon escient. Elle rend de plus en plus difficile la distinction entre les comptes réels et fictifs puisqu’elle peut en créer artificiellement pour amplifier des contenus mensongers. « On parle de milliers de comptes avec leur propre histoire, des photos de famille ou des vidéos générés automatiquement. C’est pour cela que nous devons en permanence affiner notre analyse sur un maximum de données disponibles ».
Les barrières
Bien évidemment, la bataille ne se livre pas uniquement à coups d’algorithmes dans le monde virtuel. En s’associant à la communication se ses partenaires et en développant une relation proactive avec les médias, le Cyber Command espère aussi contribuer à la sensibilisation du grand public. Car au final, les premières barrières en matière de désinformation, ce sont les médias et les citoyens. Les premiers parce leur mission consiste à vérifier les informations qu’ils propagent, c’est en cela qu’ils sont officiels. Les seconds parce que leur esprit critique doit être mis à contribution avant de partager et de commenter un contenu sur les réseaux sociaux.
Mais au moindre doute, dans les deux cas la vérification des sources n’est jamais superflue.